caroline-taquinCaroline Taquin - Bourgmestre de Courcelles

Discours de commémoration de l’Abbé Alphonse Bougard

Permettez-moi, en tant que Bourgmestre, de vous adresser mes vifs remerciements pour votre présence en ce jour mémorable.
Merci aussi à toutes les personnes qui s’impliquent de près ou de loin dans notre patrimoine culturel permettant à beaucoup de générations de se remémorer l’importance de notre histoire, « Le pourquoi d être présent aujourd’hui ».
C’est pourquoi en hommage, je me permets une petite description de l’existence de l’Abbé Bougard.

« Nous sommes donc réunis ce dimanche 10 février pour évoquer le souvenir de ce grand homme, figure héroïque locale durant la seconde guerre mondiale qu’était l’Abbé Alphonse Bougard. Fils de modestes ouvriers, il est né à Carnières le 15 juillet 1900 et après ses études, il est ordonné prêtre en 1927. Il est désigné vicaire de la paroisse Saint-Lambert à Courcelles en 1937 et professeur de religion à l’Ecole Moyenne des filles de Trazegnies. En septembre 1939, l’Abbé est rappelé avec son Régiment, le 5ème Chasseurs à pied. Pendant la grande guerre, il a une conduite exemplaire mais malheureusement, il est blessé par balle et on doit l’évacuer. L’Abbé Bougard rentre dans sa paroisse et prépare la résistance. Il crée le premier mouvement de résistance à Courcelles. Il s’expose, dans ses sermons, et dénonce les faits des serviteurs du nazisme. Le 11 février 1943, l’Abbé Bougard est arrêté par la Gestapo qui l’embarque à Brendonck. Après un bref séjour à la prison de Saint-Gilles, il se retrouve à Bochum puis dans le camp de concentration d’Esterwegen. Fin mai 1944, l’Abbé Bougard est envoyé en Haute-Silésie à la prison de Gross-Sterlitz et en novembre de la même année alors que la victoire est proche, l’Abbé meurt en brave au camp de Gross-Roosen sans avoir la chance de connaître la libération des camps. »

Au-delà de ce que l’Abbé a vécu et donné de sa personne, nous devons prendre conscience de la nécessité de perpétuer la mémoire de nos figures historiques et d’imprimer cette culture à nos plus jeunes courcellois. Si je suis devant vous aujourd’hui, c’est aussi grâce à des hommes qui ont sacrifié leurs existences et cela représente une immense fierté pour moi. Tout comme l’Abbé Alphonse Bougard, apportons chacun notre pierre afin de construire la route des courcellois de demain.

Je vous remercie.

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Michel Meurée

Je dois vous avouer que lorsqu’Armand Bricq, votre nouveau Président du Conseil de Fabrique, m’a demandé de dire quelques mots à l’occasion de cette cérémonie, j’ai été pour le moins dubitatif.

Car que dire de l’Abbé Alphonse Bougard que l’on ne sache déjà ?

Et puis, certains événements récents et répétitifs m’ont interpellé. Et je me suis interrogé. Je me suis demandé ce que j’aurais fait si, au lieu de naître au milieu de la guerre, j’étais né vingt ans plus tôt. Certains d’entre vous se sont peut-être déjà posé la question. Aurais-je eu, comme le vicaire Bougard, le courage de défendre mes opinions et de les défendre jusqu’au bout ? Car c’est peut-être cela que l’on n’a pas dit assez. Et tous les Résistants que j’ai connus, à commencer par l’ancien commissaire Druine ou l’ancien échevin Emile Clersy, me l’ont confirmé à l’époque. L’abbé Bougard se savait menacé. Il était sur la liste noire. Ses activités étaient connues et il n’a jamais cessé, même ici, à l’intérieur de cette église, de vilipender ceux qui se mettaient au service de l’occupant. Il savait qu’un jour ou l’autre, il serait arrêté. Mais il n’a jamais voulu fuir, il n’a jamais voulu se cacher, il n’a jamais voulu faire attention. Il était prêt pour le sacrifice suprême parce qu’il était persuadé que ce sacrifice ne serait pas inutile.

Hasard des dates ? Au moment où nous commémorons le septantième anniversaire de son arrestation, on vient d’évoquer les 80 ans de la prise pouvoir d’Hitler, en janvier 1933. Et il est bon de se rappeler un certain nombre de faits. Il faut se rappeler qu’Hitler a prêté serment de chancelier en redingote et chapeau haut-de-forme, et qu’on l’appelait Monsieur Hitler. Qu’il est arrivé au pouvoir d’une manière tout à fait légale, après des élections, et que le parti national-socialiste était loin d’être majoritaire dans le gouvernement de coalition. Mais le vernis a très vite craqué, avec les conséquences que nous connaissons.

Faut-il en tirer des leçons ? Certains en ont voulu au Roi d’avoir pointé du doigt quelques attitudes anormales. A-t-il eu tort ? Quand on voit un parti prendre d’assaut un hôtel de ville au soir des élections, quand on voit qu’un bourgmestre fait enlever les portraits royaux de la salle du Conseil et que l’on ne fera flotter le drapeau belge qu’aux jours d’obligation, qu’ailleurs on interdit de porter des vêtements de couleur arc-en-ciel parce qu’ils pourraient dénoter une tendance sexuelle déterminée, je crois qu’au contraire, le roi a bien joué son rôle.

Bien sûr, le spectre de la guerre est loin. L’Union européenne a au moins ceci à son actif : depuis 1945, nous n’avons plus connu de conflit armé. Mais des guerres, nous en avons connues aux portes de l’Europe : l’ancienne Yougoslavie, l’Albanie et le Kosovo, ce n’est pas si loin, ni dans le temps, ni dans l’espace. Et nous voyons se développer dans tous nos pays, des partis nationalistes, des partis populistes qui rejettent peu ou prou la démocratie, qui veulent restreindre les libertés individuelles, qui dressent les populations les unes contre les autres en fonction de richesse, de développement, d’origine, de religion, de culture, que sais-je ?

Et en-dehors de l’Europe, je ne prendrai qu’un exemple. Qu’est devenu l’immense espoir qu’avait fait naître ce que l’on a appelé le « Printemps arabe » ? Quand on voit ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie ou en Egypte, où le peuple se révolte à nouveau pour essayer de se réapproprier sa révolution, quand on voit la joie de la population de Tombouctou libérée de l’emprise islamiste, on doit bien se dire que les signes alarmants sont nombreux. Ici et ailleurs.

Je crois que pour que le sacrifice de l’Abbé Bougard et, à travers lui, de milliers et de milliers d’autres, ne devienne pas septante ans après un sacrifice inutile, nous devons être attentifs, je dirais même vigilants, et responsables. Les générations qui nous suivent ne nous le pardonneraient pas. Soyons, à notre tour, des Résistants.

Michel Meurée. (10.02.2013)

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